NOTE TECHNIQUE[1]
RISQUE D’INONDATION MAJEURE DE NOUAKCHOTT ET IMPACT ASSOCIÉS
Ahmed SENHOURY, Ibrahim THIAW, Demba MARICO[2],
Experts indépendants
Résumé executif
Les inondations observées à Nouakchott en Septembre 2013, aussi spectaculaires qu’elles soient, sont moins dues à une pluviométrie exceptionnelle qu’à une combinaison de facteurs désormais récurrents. En effet, avec ou sans les changements climatiques, la ville de Nouakchott est menacée par des risques d’inondation, ou plutôt de submersion majeure, en raison du cumul de facteurs naturels (fragilité du cordon dunaire littoral, faible dénivellation du terrain, présence de sols de sebkhas), et d’activités anthropogéniques diverses (urbanisation mal planifiée, construction d’infrastructures, destruction du couvert végétal, extraction de matériaux). S’y ajoute les conséquences inattendues du projet d’approvisionnement en eau, dit Aftout es Saheli qui, en triplant les quantités d’eau accessibles aux ménages, a, en raison de l’absence d’un système d’égout, accru d’autant le volume d’eau évacuée vers la nappe souterraine –déjà affleurante- par le truchement des fausses sceptiques et des puits perdus.
En cas d’intrusion d’eau de la mer, près de 30 % de la ville se retrouverait sous les eaux dans une ampleur sans commune mesure avec les eaux stagnantes observées en septembre dernier. Près de 300.000 personnes seraient directement affectées, avec des risques élevés de pertes en vies humaines. Les ports et aéroports de Nouakchott, près de 200 km de routes bitumées, et de multiples infrastructures publiques, tels que des centres de santé dont les plus grands hôpitaux, universités et écoles (la liste est non exhaustive), seront détruits. Les pertes économiques pourraient atteindre l’équivalent de sept (7) milliards de dollars américains.
Quoique le scénario d’une catastrophe d’une telle ampleur ne soit pas souhaitable, il n’est pas improbable. Les services de protection civile seraient incapables de faire face à l’énormité d’une telle calamité. Les réactions des populations, ni bien informées, ni préparées à un tel désastre, seraient chaotiques, accroîssant ainsi les risques de perte. L’organisation des évacuations serait improvisée. Les secours extérieurs auraient d’autant plus du mal à répondre que les infrastructures majeurs -port, aéroport et principaux hôpitaux- seraient inopérationnels.
Or, en matière de prévention des catastrophes naturelles, il n’y a guère de place à la fatalité ou à l’improvisation. Il faut une bonne préparation et une anticipation suffisantes. Les images de quartiers submergés et les drames subséquents des inondations de septembre 2013 devraient servir au moins à augmenter la prise de conscience d’une telle nécessité d’anticipation sur une gamme de catastrophes naturelles dont certaines pourraient être d’ampleur majeure.
Les mesures suivantes sont recommandées, pour prévenir des risques de grande ampleur :
[1]Cette note sommaire à l’intention du décideur est rédigée en octobre 2013, à l’initiative du Collectif des Cadres Mauritaniens Expatriés (CCME).
[2] (i) M. Ahmed Ould Senhoury est Directeur du Partenariat Régional Côtier et Marin en Afrique de l’Ouest – PRCM, Nouakchott Mauritanie; (ii) M. Ibrahim Thiaw est Directeur exécutif adjoint du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, Kenya. (iii) M. Demba Marico est Chargé de Programme, Conseiller Sénior à la GIZ, Mauritanie.
Cette note n’engage pas les institutions des trois auteurs.
a) Créer une Haute Autorité du Littoral, rendant compte directement au Chef de l’Etat, ayant pour mission exclusive l’aménagement et la protection du littoral mauritanien et jouissant d’une capacité d’action et d’un cadre réglementaire opérationnel. Elle aura en charge, entre autres, la mise en œuvre des actions de protection et de veille littorale proposées, ainsi que des Directives d’Aménagement du Littoral prévues dans le cadre du Plan Directeur d’Aménagement du Littoral Mauritanien.
b) Mettre en place un système adéquat d’assainissement des eaux usées et d’évacuation des eaux pluviales ou marines, avec priorité aux secteurs inondables. La mise en place d’un tel système sera certes onéreuse mais elle est à mettre en balance avec le coût de l’inaction et des pertes humaines et matérielles mentionnées plus haut.
c) Réaliser des travaux de confortement du cordon littoral et mettre en œuvre des mesures d’accompagnement (respect de l’interdiction des prélèvements du sable, aménagement des accès à la plage, limitation du piétinement de la dune, surveillance). Ces travaux se baseront essentiellement sur des techniques biologiques (revégétalisation) ou mécaniques (clayonnage) de fixation du cordon dunaire littoral et de colmatage des brèches. Un tel programme a été évalué à un investissement initial de 2 millions d’euros.
d) Maîtriser l’occupation du sol à travers une interdiction de l’urbanisation dans les zones sensibles (cordon littoral et zones inondables de Nouakchott). Des mesures de relocalisation de certaines zones des quartiers les plus vulnérables seraient indispensables.
e) Optimiser une solution pour la sauvegarde du Port de l’Amitié qui tient compte des risques élevés d’inondation au sud de celui-ci. Une telle solution devrait être mise en place avant que toutes réalisations d’autres travaux perturbateurs de l’équilibre hydro-sédimentaire ne soient faites en complément des ouvrages existants. Une solution du type by-passing du sable accumulé est recommandable dans le cas du port de l’Amitié. Elle permet à la fois de réduire l’ensablement au nord de l’ouvrage et l’érosion au sud de celui-ci. Le coût d’une telle opération a été évalué entre 20 à 60 millions d’euros.
f) Actualiser et mettre en œuvre, dans les plus brefs délais, un programme national de gestion des catastrophes naturelles. Celui-ci inclura, en plus du renforcement substantiel des services de protection civile, la préparation –et l’activation d’un plan ORSEC, la mise en place de systèmes d’alertes précoces et une large campagne d’information et de formation des populations pour les préparer à réagir en cas d’inondations ou d’intrusion de l’eau de mer.
I. Introduction
1. En septembre 2013, il a suffi que les précipitations atteignent la centaine de mm pour que les eaux stagnantes deviennent gênantes, voire catastrophiques, dans plusieurs quartiers de Nouakchott. Au delà des pluies, la ville de Nouakchott est menacée par des risques majeurs de submersion, en raison du cumul d’un certain nombre de facteurs naturels (fragilité du cordon dunaire littoral, faible dénivellation du terrain, présence de sols de sebkhas), et d’activités anthropogéniques diverses (urbanisation mal planifiée, construction d’infrastructures, destruction du couvert végétal, extraction de matériaux). L’absence d’un système d’évacuation des eaux de pluies et des eaux usées domestiques crée une situation inédite ou les eaux nauséabondes débordent des fosses septiques et stagnent pendant des semaines, affectant le bien-être, le confort et l’activité économique de la Capitale politique.
2. La côte de Nouakchott se présente, de la mer vers l’intérieur, comme suit :
- un cordon littoral relativement étroit, faiblement végétalisé, d’une largeur moyenne de 150 m, pour une hauteur moyenne de 6 m, constituant la seule protection de la ville contre les risques d’inondation à partir de la mer ;
- une vaste dépression inondable dont l’altitude varie localement entre -1 m et 4 m ;
- de grands cordons dunaires continentaux.
3. L’extrême fragilité du cordon littoral qui protège la ville de la mer, l’exploitation effrénée des ressources et l’aménagement d’infrastructures inadaptées, ont rendu le cordon littoral très vulnérable et exposent ainsi la ville à un risque élevé de submersion.
4. Plusieurs accidents majeurs ont déjà été enregistrés :
- En 1950, des crues exceptionnelles du fleuve Sénégal, provoquent l’inondation de l’Aftout Es Saheli. Cette année là, les eaux du fleuve, nourries par des pluies torrentielles, rejoignent l’Atlantique, via le Chott Boul et l’embouchure située au Sud de Saint-Louis, et empruntent l’Aftout es Saheli jusqu’à Nouakchott. Le quartier du Ksar, détruit par ces inondations, fut reconstruit par l’administration coloniale sur le même site. Deux antécédents similaires avaient été enregistrés, respectivement en 1890 et en 1932.
- A trois reprises (février 1987, août 1992 et décembre 1997), des vagues, poussées par une violente tempête, franchissent le cordon littoral, au droit de Nouakchott : celui-ci céda en plusieurs points, avec des dégâts modérés.
5. Les précipitations tombées en 2013, certes bonnes mais pas exceptionnelles, sont venues comme une alerte supplémentaire et invitent à une action planifiée pour des solutions à long terme. Outre le fait que la nappe phréatique est affleurante, parfois en permanence, en plusieurs secteurs de la ville, Nouakchott a atteint un tel niveau de « mal urbanisation » qu’on approche le point d’inflexion.
II. Principales causes de la vulnérabilité de Nouakchott
6. Une conjugaison de facteurs latents contribue à accentuer les risques d’inondation et de submersion de la ville:
- affaiblisement et affaissement du cordon dunaire littoral du fait d’agressions humaines (ports, et constructions de bâtiments divers sur le domaine public maritime) et naturelles (marées exceptionnelles, tempêtes, sans négliger l’élevation du niveau des océans prédite, à long terme, par les climatologues),
- forte urbanisation – routes et terrasses imperméabilisent les sols,
- mauvaise urbanisation – quartiers construits sur des zones humides,
- absence de systèmes d’assainissement,
i) L’expansion de la ville vers des zones inondables
7. La topographie de Nouakchott (figure 1) est telle que environ 1/3 des zones construites de la ville sont à des niveaux topographiquement très bas. Les quartiers particulièrement vulnérables aux submersions marines et aux inondations par les eaux de pluies sont El Mina, Sebkha, le Ksar Est et les parties Sud et Ouest de Tevragh-Zeina.
ii) Des conditions climatiques contraignantes
8. Dans l’hypothèse probable des changements climatiques, la tendance est à la multiplication des phénomènes extrêmes et à l’amplification des tempêtes. L’augmentation de la fréquence des vents d’ouest supérieurs à 10 m/s et de l’amplitude des houles accroît les menaces sur les zones côtières basses. L’élévation probable du niveau moyen de la mer aggrave ces menaces.
iii) Une artificialisation du littoral peu respectueuse d’un équilibre fragile
9. Les phénomènes naturels ne sont cependant pas seuls responsables de la dégradation environnementale du littoral au voisinage de Nouakchott. Des pratiques non respectueuses de l’environnement littoral ont largement contribué à déstabiliser un équilibre naturellement fragile.
10. Dans ce cadre, la construction du port de l’Amitié en 1979 (photo 2), sans étude d’impact préalable, a fortement perturbé le fonctionnement hydrosédimentaire du littoral de Nouakchott et l’évolution du trait de côte. Ainsi, on constate :
- un fort ensablement de la côte au nord du port ayant déjà mis hors de fonctionnement le wharf de Nouakchott et menaçant d’ensabler à court terme le bassin du port par un contournement par le sable de l’extrémité ouest de la digue portuaire. Cette dernière menace reste d’actualité, même si les travaux actuels d’extension de la digue retarderont de deux ou trois décennies cette échéance ;
- une érosion importante au sud des installations actuelles ayant déjà nécessité la mise en place de mesures de sauvegarde (épi, digue de retenue). Cette érosion est à la base de la forte destruction de la dune bordière sur plusieurs kilomètres au sud du port. Cette dégradation du cordon littoral a rendu l’Aftout et les quartiers sud de la ville assez exposés aux incursions marines.
11. Les prélèvements de sable dans le cordon littoral pour la construction, semblent être les premières causes de la fragilisation du cordon résultant à la formation de brèches par lesquelles la mer s’est engouffrée à plusieurs reprises dans l’Aftout. L’extraction du sable est désormais strictement interdite. Il sera nécessaire de réglementer l’exploitation du coquillage car celle-ci constitue une menace secondaire non négligeable.
12. Les constructions sur le domaine public maritime se traduisant déjà en 2005 par cinq implantations hôtelières et plusieurs infrastructures industrielles et/ou commerciales (usines, marché de poisson, etc) sur le cordon littoral, constituent un grave danger. Les infrastructures agressent et affaissent le cordon dunaire qui constitue le seul rempart contre l’immersion de certains quartiers.
13. Certaines activités de loisir, tel l’usage des voitures pour des « cascades » répétées et incontrôlées détruisent les plantes pionnières, écrasent les formes d’accumulation qui les accompagnent, aplanissent des crêtes dunaires et interdisent tout colmatage des trouées du cordon. Ce trafic motorisé est aggravé par le piétinement anarchique de spectateurs de plus en plus nombreux. Ces « cascades » sur le cordon dunaire littoral doivent être immédiatement interdites et orientées, si nécessaire, vers d’autres zones.
iv) Une nappe saumâtre dont le niveau est en élévation continue
14. Une grande partie de la ville de Nouakchott est construite dans une zone basse dont l’altitude est inférieure au niveau de la mer. La nappe d’eau y est partout subaffleurante et son niveau est en relation directe avec celui de l’océan. Outre qu’elle constitue un réceptacle des eaux marines et des pluies, la nappe menace la ville de Nouakchott en affleurant et rend les conditions d’habitat précaires, même en dehors des périodes d’inondation.
15. Depuis la mise en service du réseau d’alimentation en eau potable de Nouakchott à partir du fleuve Sénégal (projet Aftout-Es-Sahéli), l’approvisionnement en eau de la capitale est passé de 60.000m3/j à 170.000m3/j et pourra atteindre 226.000 m3/j en 2030. Cette augmentation considérable du volume d’eau journalier s’est faite sans qu’un système d’assainissement adéquat et de traitement des eaux usées ne soit mis en place. Un réseau de fosses septiques individuelles et de puits perdus contribue en partie à recharger la nappe. On estime qu’actuellement 90% des eaux usées et des rejets rejoignent directement la nappe. Au risque d’inondation s’ajoute donc un risque sanitaire majeur pour les populations mises en contact direct avec ces eaux gravement polluées. Le développement rapide de lotissements dans les secteurs bas submersibles aggrave ces risques.
16. Que ce soit dans la perspective d’une remontée globale des océans, ou en liaison avec le simple phénomène des marées, des eaux de pluies ou eaux usées, il est urgent de connaître l’étendue de cette nappe, son fonctionnement et ses connexions avec les différents facteurs précités.
Lorsque la nappe est élevée, une pluie même faible, ne s’infiltre pas dans le sol de la sebkha, déjà saturé, conduisant à une inondation.
III. Analyse des risques de submersion de Nouakchott
17. Des levés topographiques complétés par des simulations cartographiques ont été réalisés en 2006 (figure 2) et montrent l’extension possible de la submersion de Nouakchott en cas de plusieurs brèches de grandes tailles formées dans le cordon dunaire, dans un contexte hydro-météorologique exceptionnel (fortes tempêtes) ou en cas d’élévation du niveau de la nappe conjuguée à de fortes précipitations. Les hypothèses de base pour l’élaboration de cette carte est que le niveau extrême marin atteint des valeurs respectivement égales à 1 m et 1,4 m ou que la hauteur des eaux des flaques d’eaux issues des pluies non absorbées par le sol à cause de la saturation de la nappe soient du même ordre.
18. Il ressort de l’analyse de cette carte que les zones habitées les plus exposées au risque de submersion sont principalement :
- la partie ouest de la zone urbanisée de Tévragh Zeina ;
- la quasi-totalité des zones habitées des quartiers de Sebkha et d’El Mina-nord ;
- la plus grande partie des habitations de Riyad.
19. L’extrémité orientale des quartiers de Téyaret et du Ksar, ainsi que la partie centrale et centre-nord de Dar Naïm se situent également à une cote inférieure au niveau extrême marin de 1 m, mais il est peu probable que la submersion marine s’étende à ces quartiers le cas échéant. Ces secteurs sont surtout exposés au risque d’inondation par les pluies.
IV. Évaluation des impacts socioéconomiques
20. L’évaluation des impacts socioéconomiques a été déterminée à partir de l’analyse des cartes des zones inondables et des données disponibles sur la répartition des populations et des infrastructures. Un système d’information géographique (SIG) a été développé, comportant, entre autres, la cartographie de l’occupation du sol à Nouakchott, réalisée par BSA en 2005, la topographie réalisée par le GRESARC en 2006 et les données statistiques de l’ONS relatives à la distribution des populations. L’exploitation de ce SIG à l’aide du logiciel ArcGis a permis de calculer les surfaces inondables, la longueur des routes bitumées et le nombre d’infrastructures socioéconomiques menacées.
21. Le scénario dont les résultats d’analyse sont présentés dans le cadre de cette note est celui d’un niveau extrême de la mer, égale à 1,4 m. L’inondation considérée suppose que l’un des événements suivants pourrait avoir lieu :
- la formation de plusieurs brèches de grande taille, associées à une tempête dont la durée permet le franchissement de grandes quantités d’eaux marines.
- l’accroissement du niveau de la nappe saumâtre de Nouakchott pour atteindre le niveau extrême de la mer, couplé à d’éventuelles précipitations importantes.
22. La carte de submersion de Nouakchott affichant les surfaces, les bâtiments et les infrastructures submersibles pour ce scenario est présentée sur la figure 3.
23. L’évaluation de la population de Nouakchott vulnérable aux inondations a été réalisée en considérant la population résidant à Nouakchott en 2011, estimée à 727.000 habitants. Il ressort des résultats de calcul que 38% de la population de Nouakchott est menacée par les risques d’une inondation. Cela équivaut à déplacer, en cas d’inondation, plus de 273.000 personnes. La plupart de cette population vulnérable est issue des quartiers populaires de Nouakchott et appartient en grande partie à la couche des plus pauvres.
Les calculs réalisés grâce au logiciel ArcGis ont aussi permis d’évaluer pour chaque commune de Nouakchott, les surfaces des zones submersibles urbanisées ou non encore urbanisées en 2005 et leurs valeurs économiques.
24. Il s’avère qu’en cas d’inondation, une surface de plus de 10.400 hectares dont 8.200 hectares urbanisés est submersible (soit environ 30% de la ville). Les risques en vie humaines sont considérables, notamment lorsque les populations ne sont guère informées de et formées à la gestion des désastres naturels, et que les services de protection civile ne semblent pas avoir les moyens de faire face à des incidents d’une telle ampleur. Il n’y a guère de place au fatalisme, au tâtonnement ou à l’improvisation.
25. Les estimations des valeurs matérielles de ces secteurs menacés, en considérant les prix unitaires des habitats proches de ceux du marché, selon qu’ils se trouvent dans des zones résidentielles ou dans des zones populaires, donnent un coût global de plus de 7 milliard de dollars américains.
26. En ce qui concerne les routes bitumées, la zone de simulation disposait en 2005 d’un réseau de 371 km. Dans le cas d’une submersion marine, 189,5 km seraient détruites, ce qui représenterait une valeur de 31 millions de dollars américains.
27. D’autres infrastructures fournissant les services sociaux aux populations seraient aussi menacées : établissements scolaires, centres médicaux, mosquées et marchés. Le tableau qui suit présente le nombre des infrastructures de base menacées dans le cas d’une submersion de hauteur 1,4 m.
28. A cela, il faudra ajouter que des infrastructures socioéconomiques stratégiques sont aussi menacées par les risques d’inondation. Ces infrastructures peuvent être soient inondées soient entourées par les eaux en cas d’inondation. A défaut d’avoir des informations précises sur la valeur économique de ces infrastructures, nous nous limitons ici à donner une liste indicative des principaux établissements menacés.
- Une partie de l’aéroport de Nouakchott
- Le port autonome de Nouakchott
- Le Wharf de Nouakchott
- Le marché aux poissons
- Les deux principales cimenteries
- La centrale électrique de Tevragh Zeina
Situation de la Socogim PS
Le quartier Socogim PS a été créé au début des années 1980 dans une zone de dépressions salées où les cotes, par endroits, sont négatives (- 0,2 m dans les zones basses).
Le quartier couvre une superficie de 37 ha et comptait environ 7.000 habitants en 2009 mais seulement 4.000 en 2013 (Source : BMEC, 2013). En termes d’infrastructures publiques, la Socogim PS dispose d’une mosquée, d’une école et d’un commissariat de police.
C’est à partir des années 1990, à la faveur d’une hausse des totaux pluviométriques (218 mm en 1995) que les premières inondations ont été observées dans le quartier. Elles se sont accentuées à partir de 2009. En 2013, alors que le cumul pluviométrique enregistré n’est que de110 mm (à septembre), le quartier est sinistré comme il ne l’a jamais été. Ceci découle du fait que les sols étaient engorgés d’eau avant que les précipitations ne fassent affleurer la nappe. Les inondations à la Socogim PS sont donc dues à la conjugaison des eaux de pluies et à la remontée du niveau de la nappe phréatique. Cette nappe connait des fluctuations importantes selon les saisons.
Le quartier a été inondé à 95% et déserté en partie par sa population. On enregistre un taux d’abandon d’environ 40%. Les risques d’électrocution sont très élevés à cause de la présence de câbles électriques souterrains. S’y ajoutent des nuisances olfactives, la prolifération des moustiques (forte prévalence du paludisme) et des maladies d’origine hydrique.
V. Mesures préventives et correctives pour la limitation des risques
1) Créer une Haute Autorité du Littoral, rendant compte directement au Chef de l’Etat, ayant pour mission exclusive l’aménagement et la protection du littoral mauritanien et jouissant d’une capacité d’action et d’un cadre réglementaire opérationnel. Elle aura en charge, entre autres, la mise en œuvre des actions de protection et de veille littorale proposées, ainsi que des Directives d’Aménagement du Littoral prévues dans le cadre du Plan Directeur d’Aménagement du Littoral Mauritanien.
2) Mettre en place un système adéquat d’assainissement des eaux usées et d’évacuation des eaux pluviales ou marines avec priorité aux secteurs inondables. La mise en place d’un tel système sera certes onéreuse mais elle est à mettre en balance avec le coût de l’inaction et des pertes humaines et matérielles mentionnées plus haut.
3) Réaliser des travaux de confortement du cordon littoral et mettre en œuvre des mesures d’accompagnement (respect de l’interdiction des prélèvements du sable, aménagement des accès à la plage, limitation du piétinement de la dune, surveillance). Ces travaux se baseront essentiellement sur des techniques biologiques (végétalisation) ou mécaniques (clayonnage) de fixation du cordon dunaire littoral et de colmatage des brèches. Un tel programme a été évalué à un investissement initial de 2 millions d’euros.
4) Maîtriser l’occupation du sol à travers une interdiction de l’urbanisation dans les zones sensibles (cordon littoral et zones inondables de Nouakchott). Des mesures de relocalisation de certaines zones des quartiers les plus vulnérables seraient indispensables.
5) Optimiser une solution pour la sauvegarde du Port de l’Amitié qui tient compte des risques élevés d’inondation au sud de celui-ci. Une telle solution devrait être mise en place avant que toutes réalisations d’autres travaux perturbateurs de l’équilibre hydro-sédimentaire ne soient faites en complément des ouvrages existants. Une solution du type by-passing du sable accumulé est recommandable dans le cas du Port de l’Amitié. Elle permet à la fois de réduire l’ensablement au nord de l’ouvrage et l’érosion au sud de celui-ci. Le coût d’une telle opération a été évalué entre 20 à 60 millions d’euros -selon que le matériel acquis sera neuf ou d’occasion.
6) Actualiser et mettre en œuvre, dans les plus brefs délais, un programme national de gestion des catastrophes naturelles. Celui-ci inclura, en plus du renforcement substantiel des services de protection civile, la préparation –et l’activation- d’un plan ORSEC, la mise en place de systèmes d’alertes précoces et une large campagne d’information et de formation des populations pour les préparer à réagir en cas d’inondations ou d’intrusion de l’eau de mer.