Environnement et developpement durable

Environnement et développement durable en Mauritanie: défis et opportunités

Conférence organisée par le Collectif des Cadres Mauritaniens de l’Etranger,

Animée par Ibrahim Thiaw[1]

Nouakchott, 26 Décembre 2019

A la recherche d’un émulsifiant.

Comment mélanger l’eau à l’huile? Agitez fortement l’éprouvette ou retournez-là, l’huile remonte toujours à la surface. Nos professeurs de chimie nous avaient expliqué que ces deux liquides contiennent des molécules qui se repoussent.

En Mauritanie, peut-être plus qu’ailleurs, réconcilier l’impératif de développement à la nécessité de protéger l’environnement relève d’un tout aussi délicat exercice de compromis.

Comment piloter le décollage économique d’une nation née de nulle probabilité économique, tout en assurant la préservation des maigres ressources biologiques?

Comment promouvoir la sécurité alimentaire en milieu aride, sans écorcher les maigres couches de sol?

Comment valoriser les gisements miniers et les fonds halieutiques, sans tuer la poule aux œufs d’or? Comment exploiter les récentes découvertes d’hydrocarbures sans compromettre l’avenir des générations futures?

Résoudre cette tension entre les exigences de résultats immédiats et la nécessité d’une vision à long terme équivaut quelque part à trouver la quadrature du cercle.   

Nos professeurs de collège, nous ont donc expliqué que les deux liquides ne sont pas miscibles. Sans jamais nous révéler comment on pourrait les mixer. C’est dans la   cuisine, hors classe, que j’ai compris que pour mélanger l’eau à l’huile, il fallait un émulsifiant. Le résultat est plutôt savoureux: ça donne de la vinaigrette (que je préfère à la mayonnaise, autre bon exemple).  

Permettez moi donc de cadrer notre débat cet après-midi. L’on me demande de parler de «Environnement et du développement durable en Mauritanie: défis et opportunités». Je vous propose, patience en bandoulière, de parcourir les paysages sahariens et sahéliens de la Mauritanie, à la recherche d’un …émulsifiant.

Au cœur des défis environnementaux en Mauritanie figurent bien naturellement la désertification, les pertes d’habitats naturels ainsi que les pénuries d’eau.

Preuve que les changements climatiques ont déjà leurs effets, les sécheresses sont de plus en plus fréquentes et et de plus en plus intenses, affaissant, à chaque occurrence, l’économie du pays. Les années de graves sécheresses correspondent toujours à des années de contractions économiques, tant le secteur primaire constitue l’ossature de l’économie (plus de 60% des Mauritaniens tirent leurs moyens de subsistance de l’agriculture et de l’élevage). Les sécheresses désemparent les citoyens, pas seulement ceux vivant en milieu rural. Les milieux terrestres sont affectés autant que les espaces marins et côtiers. La faune et la flore paient un prix tel que leur présence se conjugue désormais au passé.

Quoique les défis soient énormes -et nous allons largement en parler- il nous appartient de débusquer les opportunités, les dépoussiérer (sans jeu de mots), identifier notre niche de développement, compte dûment tenu de la spécificité de nos valeurs, de nos potentialités et de nos limitations.  

Défis environnementaux: tel un tsunami?

La Mauritanie connaît un environnement naturel fragile. Le milieu terrestre est dépiauté de sa verdure. Les sols, maigres en nutriments, et largement glabres, ont cette particularité de mobilité, à l’instar des nomades et des transhumants qui les traversent. Lorsque surviennent les violentes tempêtes de la mousson intertropicale, des millions de tonnes de sols fertiles traversent les mers et les océans, allant jusqu’à fertiliser les forêts denses humides de l’Amazonie. Ou couvrir les paysages enneigés d’Europe du Nord.

Sans couverture végétale, un sol est aussi vulnérable à l’érosion qu’une personne nue ne risque d’hypothermie face à un froid glacial. Ça ne tient pas longtemps.

Si les phénomènes naturels ont contribué à dessiner ce tableau, avouons-le sombre, l’action humaine en a accentué l’impact. Quoique le pays soit peu peuplé relativement à sa superficie, les dynamiques démographiques tant humaines que animales, les pratiques agricoles et la pression urbaine ont infligé de profondes transformations écologiques aux conséquences économiques et sociales incalculables.

La capacité de charge du milieu est totalement disproportionnée avec les pressions exercées sur les ressources. Les maigres ressources naturelles ont pâti d’une mauvaise planification temporelle et spatiale des usages. Les plans d’aménagement du territoire, s’ils ont été adoptés, n’ont point été exécutés à satisfaction.

Plus que tout, les choix de développement rural ont manqué de consistance et de constance, errant au grè des changements politiques et de tractations affairistes. Les programmes de gestion des terres ont connu des dysfonctionnements et des fluctuations, frustrant plus d’un producteur.

Au lieu de s’adapter aux réalités écologiques, les politiques du secteur rural ont semblé vouloir naviguer contre-nature, exerçant des pressions excessives sur des sols faméliques. Partout où l’Homme s’est aventuré à forcer la Nature, celle-ci réagit à plus ou moins longue échéance. Les conséquences sont souvent funestes.

Dans un pays largement hyper-aride, et où les politiques de protection de la nature ont été pour le moins laxistes, nul besoin de s’attarder sur l’évidence, à savoir que la désertification et ses multiples conséquences sur l’économie a dominé notre capacité à nous débattre. Il y a comme un sentiment de fatalité ou d’impuissance face à une déferlante.  

Au delà des conséquences biophysiques on ne peut plus visibles, permettez-moi d’évoquer les impacts, souvent insoupçonnés, de la dégradation de l’environnement sur la santé humaine.

Les liens entre la désertification et la santé sont désormais bien établis: comment expliquer autrement le taux élevé de prévalence de maladies respiratoires aiguës si ce n’est qu’elles sont dues en grande partie aux poussières et autres aérosols soulevés par les vents? Il n’y a rien à se satisfaire de la façon dont nos déchets sont gérés (aussi bien les déchets liquides que solides, industriels, domestiques ou sanitaires) ne donne rien de satisfaisant).

Quoique l’accès à l’eau potable se soit sensiblement amélioré, l’assainissement reste un point faible. En conséquence, l’eau continue de provoquer maladies diarrhéiques, malaria et dengue, pour ne citer que certaines. Source de vie, l’eau peut donc aussi être source de mort.

Ainsi, en Mauritanie, 50% des mortalités d’enfants de moins de 5 ans ont un rapport avec l’environnement (un enfant sur cinq meurt d’infections respiratoires aiguës ; 15% de paludisme ; 13.5% meurent de maladies diarrhéiques). Pour les enfants de plus de cinq ans, c’est 35% des décès qui sont associés à la qualité du milieu naturel (Contribution prévue déterminée de la Mauritanie, CNUCC, 2015).

Les sécheresses entraînent des situations de malnutritions sévères et des insuffisances pondérales qui, on le sait maintenant, peuvent léser durablement -parfois de manière permanente- les cerveaux juvéniles.

L’envahissement des dunes est parmi les facteurs aggravants des fréquents accidents de la route, avec un nombre très élevé de personnes tuées ou blessées.  

Les pertes économiques causées par les tempêtes de sable sont mal estimées. Cependant, pensons au nombre de jours où la navigation maritime et aérienne sont perturbées. Ne parlons pas des budgets investis dans l’entretien routier ou immobilier, des pertes de production agricole ou des coûts des soins médicaux (maladies respiratoires ; soins d’accidentés ; ou handicaps et immobilisations des blessés).

La dégradation des terres atteint des niveaux extrêmes sur quasiment l’ensemble du territoire national, matérialisée par une forte mobilité des formations dunaires. Routes, ports, aéroports, villes ou périmètres agricoles ou sites d’exploitation minière, rien ne semble échapper aux dunes de sable. L’hostilité du milieu naturel oblige l’Etat et les collectivités à consacrer des ressources substantielles au désensablement et à la fixation des dunes, grévant d’autant les dépenses consacrées au développement économique et social.

Par ailleurs, la Mauritanie connaît des sécheresses fréquentes et un niveau élevé de pénurie en eau. La corrélation entre les courbes de croissance économiques et la pluviométrie est frappante. A l’instar des autres pays vulnérables aux péjorations climatiques, l’économie nationale joue au yoyo avec les années de sécheresse . Ceci s’explique naturellement par le poids important du secteur primaire dans la richesse nationale (environ 30% du PIB, COFACE, 2019) mais surtout par la forte vulnérabilité des éleveurs et des agriculteurs. Leurs moyens de subsistance ont une relation linéaire avec la météo.

Une meilleure préparation et la mise en application de mesures d’alertes précoces permettraient d’atténuer ces risques. Les prévisionnistes météo ont remarquablement amélioré la fiabilité de leurs données, jusqu’à six mois en avance (avec des affinements réguliers). Des informations fiables sont désormais disponibles au niveau d’instances régionales tel le CILSS. Malheureusement, la chaîne de communication se grippe en amont des populations, à qui l’on ne répercute pas assez l’information en temps et de manière voulus.

Les changements climatiques provoquent des perturbations importantes sur le cycle de l’eau: pluies souvent tardives, parfois trop intenses, ou pas suffisamment fortes. Ainsi, inondations et sécheresses alternent ou même se superposent la même année, au même endroit. De telles fluctuations déboussolent les producteurs, et font tanguer les budgets nationaux, obligeant plusieurs pays à réviser leurs budgets en cours d’année. Affectant le secteur économique essentiel du pays, l’imprévisibilité et la variabilité des saisons pluvieuses handicapent lourdement les projets et ambitions de développement du pays.

Le Groupe d’Experts de l’ONU sur le climat (GIEC) a, au cours des douze derniers mois, produit trois rapports spéciaux respectivement sur le scénario 1,5° C de l’Accord de Paris, sur les Terres et enfin sur les Océans et la Cryosphère.

Les conclusions des scientifiques, jugées fiables à 90%, sont alarmantes. Dégradation accélérée des terres, montée des océans, fortes probabilités d’événements climatiques extrêmes. Les pays les moins nantis abritent naturellement les populations les plus vulnérables. La Mauritanie, y compris sa capitale, Nouakchott, ne sont pas à l’abri.

Des scientifiques nationaux ont en effet alerté depuis plusieurs années: notre Capitale doit mieux se préparer aux extrêmes. Les risques de submersion -ou d’incursion- à l’eau de mer sont élevés, notamment dans les zones basses, situées en dessous du niveau de la mer. Des zones populeuses et des infrastructures sensibles tels que hôpitaux et écoles pourraient être affectées, ce qui handicaperaient d’autant les services de secours. 

Avec ou sans changements climatiques, les risques existent. En matière de gestion de risques de catastrophes et désastres naturels, il n’y a guère place à la fatalité et à l’improvisation. Lorsque survient la catastrophe, il sera trop tard pour préparer les réponses, les réactions et la gestion de crise. Le marathon comme la course de vitesse se préparent en avance, pas le jour de la compétition.

Tous les pays, petits et grands, peuvent et doivent anticiper et préparer des plans de réponse aux risques naturels, en particulier du fait des changements climatiques.

Cuba, pourtant peu nanti et contraint par un long embargo, dispose d’un solide plan et semble même mieux préparé aux catastrophes que la plupart de ses voisins. S’il est vrai qu’il faut des moyens, disons qu’il est encore mieux de se donner les moyens d’agir efficacement, en urgence.  

L’érosion côtière et l’altération physique des traits de côte dues notamment aux infrastructures posent de vrais défis. Si la construction de nouvelles infrastructures dans les zones côtières (et marines), y compris des ports et des installations d’exploitation d’hydro-carbures rentrent dans les efforts, fort louables d’ouvrir de nouveaux horizons économiques au pays, des doutes subsistent sur la méthodologie et la conduite -et par conséquent sur les conclusions- des études d’impacts environnementales et sociales. Il est de la responsabilité des états et des sociétés d’exploitation de mettre en place des mesures de prévention et d’atténuation des risques.

Pour un pays dont tout un pan de l’économie dépend désormais de la mer, il est plus que critique de trouver l’émulsifiant entre les hydrocarbures et la pêche. L’Etat (et pas seulement le Gouvernement) se doit de préparer et faire appliquer une armada législative et réglementaire pour se protéger contre les risques de pollution marine, de destruction des fonds marins (par des châlutiers), ou de sur-exploitation des pêcheries. Notre zone économique exclusive est notre premier poumon, s’il n’est pas notre foie. La protection de cette partie du territoire est aussi importante pour notre pays que la forêt amazonienne ne l’est pour le Brésil.

En complément de l’étude spéciale sur les océans du Groupe d’Experts de l’ONU sur le climat, un autre groupe, le panel de haut niveau sur l’économie durable des océans a produit un papier qui donne à réfléchir. L’étude conclut que les pêcheries marines de l’Afrique de l’Ouest pourraient perdre jusqu’à 85% de leurs stocks. (High Level Panel for a Sustainable Ocean Economy, December 2019).

Le réchauffement des eaux faisant migrer les pélagiques vers des eaux plus froides. Vu l’importance des pélagiques dans les économies nationales et dans l’alimentation en protéines des populations, cette conclusion est, à mon avis, alarmante. Reste à savoir si la Mauritanie va plutôt en souffrir ou en bénéficier grâce à la confluence des eaux et du Upwelling. Nos structures de recherches spécialisées devraient peut-être affiner l’analyse.  

La Mauritanie a plutôt subi que planifié son urbanisation. La ruée vers les villes, notamment Nouakchott et Nouadhibou, combinée à l’incapacité des autorités nationales et municipales à mettre en place et faire respecter des plans de développement urbains ont entrainé des situations chaotiques. Habitats précaires, mauvaise gestion des déchets urbains, sanitaires et industriels. Manque d’assainissement et de gestion des eaux usées. Les conséquences sur la santé et le bien-être des citoyens, notamment les plus pauvres, sont incalculables.

Quoique les données sur la pollution soient quasiment inexistantes, il est permis d’affirmer que l’air, le sol et les cours d’eau ont atteint des niveaux de pollution dépassant les normes recommandées par l’OMS. Les villes sont particulièrement affectées à la fois par les gaz d’échappement et surtout par les déchets. Les décharges publiques de déchets solides sont, au mieux, rejetés hors de vue. Les immondices croupissent fréquemment dans les villes jusqu’à atteindre des proportions catastrophiques, comme ce fut le cas de Nouakchott au début de l’hivernage dernier. L’on ne peut continuer à tourner son regard sur ses propres déchets.

Les déchets liquides ne sont pas mieux gérés, essentiellement rejetées dans la nature sans traitement. A Nouakchott, les nombreuses fosses sceptiques rendent la nappe phréatique totalement polluée, contribuant d’ailleurs aux risques d’affaissement et de remontée de la nappe affleurante des sebkhas. Les irruptions régulières d’eau souterraines notées, parfois en zones dunaires sont autant de signes apparents d’affaissement, qui méritent suivi. S’il n’est pas rare de voir des villes s’affaisser, la cas le plus récent et peut-être le plus significatif est Jakarta en Indonésie (10 M d’habitants). Les autorités sont contraintes de construire une nouvelle Capitale pour un coût estimé à USD 33 Bn. 

Enfin, la pollution aux poussières et aux produits chimiques continuent d’affecter les sites de carrières et mines. Les personnels et agglomérations avoisinant les sites d’exploitation minière sont particulièrement exposés, dont certains par des produits chimiques particulièrement nocifs, tel le mercure.

Conséquences sociales et économiques:

Au delà des liens évoqués, entre l’environnement et la santé, et entre la sécheresse et la croissance nationale, évoquons un instant les conséquences sociales et humaines: la désertification et la sécheresse ont fait pire que de détruire les milieux naturels. Ces phénomènes ont disloqué des familles, entrainé des migrations désastreuses, et une déstructuration sociale manifeste entraînant des pertes de repères et des pertes de valeurs d’une jeunesse nombreuse au nombre croissant, à la formation mal adaptée (si elle est éduquée du tout) et frustrée. Mal canalisées, cette force s’illusionne par l’immigration irrégulière, si elle n’est pas entraînée dans les bourrasques terroristes ou les trafics illicites.

Les liens entre la dégradation du milieu naturel et la sécurité sont désormais bien établis: l’inadéquation entre la demande en ressources naturelles (conséquences de la croissance démographique) et l’offre (due à la désertification et aux sécheresses) a entrainé une recrudescence de conflits entre usagers des ressources naturelles. Les exemples sont nombreux où agriculteurs et éleveurs s’affrontent pour assurer le contrôle des points d’eau, de zones pastorales ou agricoles. Toute la région du Sahel est affectée par ce phénomène: Mali, Burkina Faso etc. Les éleveurs (essentiellement Peuls) et les agriculteurs se disputent les points d’eau et les zones productives. Au Nigeria, ces compétitions entre pasteurs et fermiers ont entrainé plus de morts que les attaques des groupes terroristes.   

La Mauritanie et le Sénégal avaient connu leur cas le plus douloureux, déjà en 1989 avec le fameux incident de Diawara qui provoqua un schisme sans précédent, dont les conséquences sont vécues, 30 ans après, par des centaines de milliers de citoyens. La Mauritanie n’a pas encore fini d’en panser les plaies, tant aux plans environnemental, social, qu’économique.  

Les questions environnementales font partie des causes profondes du cancer sahélien. Bien diagnostiquées et traitées proprement, elles font aussi partie des solutions.   

II. Opportunités:

Vu sous l’angle des défis, le tableau est en effet peu reluisant. Deux éléments contribuent à cette perception: d’abord, une mauvaise évaluation économique des contributions du secteur de l’environnement. Ensuite, et surtout, une faible valorisation des potentialités qui se présentent à nous.   

Considéré comme improductif, le secteur de l’environnement n’attire point les investissements. Sa part ne représente ainsi point que 3% (double check) du budget national. A examiner de plus près, on constate toutefois que le secteur de la protection de la nature constitue en fait la fondation même de l’économie nationale.

La nature c’est la vie :

Les contributions du secteur de l’environnement sont aussi diverses que mal appréciées. Voyons donc :  

  • N’est-ce pas la Nature qui entretient et maintient les pêcheries, secteur productif par excellence (40% des exportations, COFACE). Je dois noter au passage les rôles de nurserie et de régulation naturelle que jouent les parcs nationaux du pays, à savoir le Banc d’Arguin et le Diawling.
  • N’est-ce pas la Nature qui fournit les pâturages, nourrit et abreuve nos animaux. L’Elevage est un secteur productif en Mauritanie.
  • N’est-ce pas la Nature qui nous fournit la nourriture : 99,7% de nos calories sont produites par la Terre, 0,3% par les océans (FAO)?
  • L’eau que nous buvons (et que nous utilisons aussi dans l’agriculture) ne nous provient-elle pas d’écosystèmes naturels ? Rappelons que notre gourde à eau se situe, pour l’essentiel, au Fouda Djallon, en Guinée.
  • L’oxygène que nous respirons, et que nous prenons pour acquis, ne provient-il pas de la Nature (de la mer et des terres) ?
  • Le tourisme : un vecteur de développement, dont le potentiel tient essentiellement à la qualité de nos paysages désertiques, doublée, il est vrai, de l’hospitalité légendaire des mauritaniens. Toujours est-il que les touristes viennent d’abord pour contempler nos milieux naturels.  

Les potentialités :

La litanie des défis cités plus haut ne doit point nous faire baisser les bras. Tout au contraire! La valeur d’un peuple se mesure à sa capacité à faire face à l’adversité, et à savoir transformer ses défis en opportunités.

Il est vrai que les dunes de sable, l’extrême chaleur du soleil saharien et les vents de sable sont parfois des sources de nuisance. A l’ère de la quatrième révolution industrielle, de l’intelligence artificielle et des blockchains, ces défis peuvent être transformés en source de richesse et de confort. Voyons comment.

Ne désertons pas les déserts, disait le slogan. Soit. Mais comment peut-on valoriser le sable, le vent et le soleil?  

Le Sable:

Deux phénomènes récents ont poussé les experts à mieux explorer le potentiel du sable. D’abord, les émissions de gaz à effet de serre du secteur bâtiment. Le béton représente 5% du total des émissions au niveau mondial. L’autre phénomène tient du fait que soudainement, l’on s’est rendu compte que le monde allait faire face à une pénurie de sable. Une maison moyenne utilise 200 t de sable. Un kilomètre de route bitumée 30,000 tonnes. L’exploitation excessive des sables marins faisant l’objet de plus en plus de restrictions, les experts se tournent vers les sables de désert.

La nouvelle la plus prometteuse est que certains sables de désert pourraient s’avérer être de bons substituts au ciment. Biodégradable, décarbonné, bon marché, le sable de désert est potentiellement une nouvelle devise monétaire. Une compagnie chinoise (Rechsand Technologies) trente ans de spécialisation et de recherches sur les sables de désert, a construit son siège de plusieurs étages à base de sable. Elle produit par ailleurs, de très beaux carreaux, et autres revêtements muraux d’excellente facture, à base de sable.

Les caractéristiques du sable en font aussi de bons substrats agricoles. Avec bien entendu des amendements. La même société chinoise, a poussé l’audace jusqu’à produire du riz paddy en Mauritanie, non pas à Rosso ou Kaédi. Même pas dans les oasis de l’Adrar, mais bien à Boulanouar. Penser produire du riz à Nouadhibou? C’est certes expérimental et limité, ce n’est peut-être pas viable à grande échelle dans le désert (le facteur limitant étant l’eau), mais la technologie est bien là! Ceci devrait certainement mettre la puce à l’oreille de nos chercheurs, et de nos investisseurs.

La valorisation du sable du désert pour la construction, pour l’aridiculture serait une belle aubaine pour nous. C’est par ailleurs une excellente contribution à l’action climat, susceptible de réclamer des crédits carbone, tout en contribuant au développement de zones traditionnellement pauvres.

Ce serait bien sûr une bonne nouvelle pour la Mauritanie dont l’immense gisement de sable est  inexploitée, plutôt perçue comme une nuisance.

Le vent et le soleil:

Les gisements de vent et surtout de soleil sont l’autre bonne nouvelle de la Mauritanie. Les investissements initiaux pour la production des énergies renouvelables se sont avérés positifs. Le coût du kWh solaire continue de chuter, alors que l’efficacité des installations s’accroît chaque année.

L’enjeu pour la Mauritanie ne doit plus seulement être de satisfaire aux besoins de ses populations (quoique ce doit évidement être le premier objectif), mais d’envisager « d’exporter » son soleil et son vent, deux ressources que nous avons en abondance.

Située à la confluence entre le Sahara et l’Atlantique, la position géographique de notre pays donne l’avantage de valoriser à la fois l’énergie solaire et l’énergie éolienne, comme c’est déjà le cas, intelligemment, à Nouakchott.

Vu l’évolution technologique rapide que procure la 4ème révolution industrielle, l’énergie (solaire et éolienne) sera prochainement liquéfiée et serait donc facilement contenue et transportable à travers les océans. C’est tellement incroyable que la langue française doit trouver une autre traduction au mot «tanker», le mot «pétrolier» étant désormais obsolète. L’énergie du futur ne sera pas hydrocarbonée. Elle sera propre, accessible et infiniment abondante.

Les contraintes actuelles des énergies renouvelables, à savoir le stockage et le transport, seront ainsi bientôt résolues.  La Mauritanie veut-elle se mettre sur la ligne de départ, ou préfère-t-elle courir derrière les athlètes, au risque d’abandonner la course par épuisement?

Emplois verts:

L’environnement est par excellence, un secteur pourvoyeur d’emplois verts. Non seulement dans le secteur des énergies cité plus haut, mais aussi dans celui de la restauration des milieux dégradés.

Des millions d’emplois seront à créer pour restituer le milieu naturel. Le défi mondial du climat exige une réparation de la planète. La région du Sahel a vocation à voir des investissements majeurs dans le domaine du solaire, mais aussi pour reconstituer le milieu, limiter l’immigration clandestine, ressouder les familles et les communautés fragmentées, et promouvoir la paix et la sécurité.  

L’une des initiatives phares qui mérite soutien est la Grande Muraille Verte du Sahel. Un vaste programme visant à transformer des terres dégradées en espace de production. La Grande Muraille Verte vise à restaurer dix millions d’hectares par an d’ici 2030, dans les 11 pays de sa zone de répartition entre l’Atlantique et la mer rouge. A terme, la Grande Muraille Verte sera la plus grande structure faite de main d’Homme, méritant ainsi potentiellement la dénomination de Nouvelle Merveille du Monde.

En combinant la restauration des terres à l’accès à l’énergie solaire, les gouvernements vont positivement et durablement transformer l’économie rurale. L’énergie facilitera l’exhaure et le traitement de l’eau; elle favorisera en outre la création de chaînes de valeur des produits agricoles, tout en facilitant leur conservation sur une longue durée, accroissant ainsi la valeur des produits. L’énergie boostera la qualité de l’éducation et des soins en milieu rural; elle autonomisera les femmes et réduira les migrations irrégulières, les jeunes pouvant désormais satisfaire à certains de leurs aspirations économiques.

Les travaux de la Grande Muraille Verte étant à haute intensité de main d’oeuvre, des millions d’emplois seront créés à court terme, eux même générant des revenus à long terme.

Agro-pastoralisme:

Dans un pays comme la Mauritanie, la Grande Muraille Verte devrait se concentrer sur la restauration de zones de pâturages. Il me semble que notre pays doit investir davantage sur le pastoralisme (et l’agro-pastoralisme). De tels investissements réduirait la vulnérabilité des animaux, mais également les confrontations avec l’agriculture de la vallée. L’écologie de notre pays est plus adaptée au pastoralisme qu’à l’agriculture intensive (rappelons que seules 0.5% de nos terres sont arables). En moyenne, chaque Mauritanien possède cinq têtes de bétail, notamment des camelins et des bovins. Si ces animaux sont comptabilisés comme constituant une part importante de notre richesse nationale, notre élevage reste encore largement contemplatif. Quoi de plus risqué que de thésauriser jusqu’à 20% du PIB en ces temps de changements climatiques? L’Etat devrait encourager la valorisation des produits et des sous-produits de l’élevage. Investir dans les abattoirs frigorifiés, commercialiser notre viande bien conditionnée (avec le double label Bio et Halal), et valoriser nos cuirs et peaux. Poursuivre et renforcer les efforts de transformation de produits laitiers.

Comment valoriser ses ressources pour contribuer à la vraie économie nationale? L’accès à l’énergie pour l’agriculture et l’élevage mauritaniens peuvent-ils avoir le même effet de levier que la climatisation a eu pour le développement de Singapore ou l’accès à l’énergie géothermique pour l’Islande?

La pression étrangère sur les terres fertiles va s’accentuer dans le futur, en raison des grosses pénuries d’eau observées dans le Moyen Orient, et des poussées démographiques observées en extrême Asie.  La terre, le soleil et l’eau sont nos trésors, que nous ne devons brader pour aucune raison, quelque soit le prix offert par ailleurs.

La découverte des hydrocarbures dans notre pays ne serait une bonne nouvelle pour nos générations futures que lorsque nous protégeons notre économie rurale contre les prédations. Et lorsque nous arriverons à en faire une source de diversification de notre économie nationale, plutôt qu’à en faire une économie de rente.

Tourisme:

Nous avons déjà abordé cet aspect. La nature offre à la Mauritanie des paysages époustouflants. L’immensité du désert, son calme, son charme, l’hospitalité des populations et la diversité culturelle font de notre pays une belle destination pour les amoureux, de plus en plus nombreux, d’un tourisme plus humain, et plus respectueux de la nature.

En tant que Mauritanien, je ne regrette rien de la délocalisation vers les Amériques du rallye Paris-Dakar.  La violence des machines sur les dunes du Sahara et la brutalité des convois n’avaient rien de compatible avec nos fragiles écoystèmes dunaires, ni avec la paisible vie de nos populations rurales.

Je pense toutefois que notre pays devrait mieux vendre ses atouts naturels et les vertus de tolérance et de générosité de son peuple. Faire découvrir les talents exceptionnels de nos artisans, mieux encadrer leur production et la commercialisation de leurs produits.

Pêche:

Et le secteur de la pêche? C’est, avec les mines et carrières, le coeur de notre économie. Je n’insisterai donc pas assez sur l’importance d’observer la plus grande prudence pour assurer une exploitation durable et rationnelle de ces ressources. Elles sont épuisables. Elles sont, à certains égards, déjà épuisées de toutes ces exactions.

L’exploitation « minière » que nous faisons de notre capital biologique pose question. Les repos biologiques observés sont certes utiles et nécessaires. Sont-ils cependant suffisants pour compenser les surpêches sur certaines espèces? La prolifération d’usines de farines de poissons appellent à la plus grande prudence car les spécialistes craignent le pire, et il semble que le pire n’est pas loin.  

Il importe à cet effet, d’observer, avec la plus grande attention, ce qui se passe dans les deux parcs nationaux du pays, le Banc d’Arguin et le Diawling. Ces deux espaces de repos et de reproduction servent à sécuriser le capital. Nous devons les gérer en véritables banquiers, en en exploitant les bénéfices sans jamais en détruire le fondement.   

Les pressions humaines et surtout l’étau des puits et forages d’hydrocarbures qui se serre autour de ces espaces font également polémique. Non pas que le pays ne doive point valoriser ses ressources en hydrocarbures, bien au contraire. Il serait irrationnel de proposer le contraire. Il importe toutefois de prendre des décisions informées, reposant sur des bases scientifiques, et de faire adopter et appliquer des batteries de mesure à même d’atténuer les risques écologiques.

Conclusion:

La protection de l’environnement ne peut pas être laissée aux seuls spécialistes d’un ministère essentiellement laissé pour compte dans les compromis budgétaires. Le développement durable du pays doit être une affaire de tous; de tous les secteurs, des représentants du peuple aux élus locaux ; bref de tous les citoyens. Un nombre si limité de fonctionnaires de l’Etat -quelque soit par ailleurs leur abnégation- ne saurait assurer la protection des citoyens et des infrastructures à la fois contre les bourrasques et les déferlantes naturelles.

Revenant au mélange entre l’eau et l’huile, notre professeur de chimie avait conclu que mixer les deux liquides relève de l’impossible. Il n’a pourtant pas fallu grand chose pour préparer la vinaigrette. De la moutarde, au jaune d’oeuf, jusqu’aux solutions plus avancées inventées par le MIT américain, une panoplie d’émulsifiants existent pour mixer nos vinaigrettes et surtout nos produits pharmaceutiques. Comme disait Nelson Mandela: “It always seems impossible until it is done”. “Cela semble toujours impossible jusqu’à ce que ce soit fait”

Il reste à savoir où et quand les Mauritaniens vont trouver le “perturbateur” (the disruptor) ; la solution qui permettrait de transformer nos défis en opportunités. L’équivalent du corps ambivalent qui permet de rendre miscibles l’huile à l’eau. Cet additif devant servir d’émulsifiant pour faire comprendre à tous que nous pouvons atteindre notre aspiration de prospérité tout en protégeant notre environnement. Les deux sont parfaitement compatibles. Promouvoir l’un sans l’autre, ou pire encore, l’un contre l’autre serait une myopie contre-productive.


[1] Ibrahim Thiaw est Secrétaire général adjoint des Nations-Unies et Secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification.

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